Recherches françaises sur les TICE à l’université
Résumé
L’analyse de dispositifs d’apprentissage instrumentés par les Tic à l’université est très éclatée, pour ne pas dire écartelée entre diverses disciplines et différents domaines d’étude, que ce soit au niveau international ou plus encore au niveau français. Il existe certes des recherches interdisciplinaires, mais celles-ci, bien qu’étudiant les même objets, butent souvent sur un décalage trop grand entre leurs paradigmes respectifs (références théoriques, objectifs, démarche, méthodes). Pour donner un premier exemple, un chercheur en informatique a presque toujours pour objectif le développement d’un logiciel nouveau, tandis qu’un chercheur en Sic préfèrera analyser les usages d’un système existant ; il existe certes des approches dites de « conception centrée sur l’utilisateur », voire de « conception assistée par l’usage », mais la notion d’usage n’est pas définie de la même manière dans les deux disciplines.
Le point de vue ici adopté, d’ordre épistémologique, est celui d’un chercheur en sciences du langage spécialiste des Tice (depuis une vingtaine d’années) ayant une certaine expérience de la collaboration interdisciplinaire avec les sciences de l’éducation, les Sic et l’informatique. Des quatre disciplines évoquées, les sciences du langage peuvent sembler les plus éloignées de l’objet Tice, mais il se trouve qu’elles ont investi le domaine de la didactique des langues et par là même celui, très vivace, de l’apprentissage des langues assisté par ordinateur (ALAO, traduction de Computer-assisted Language Learning) ; par ailleurs certains chercheurs de cette discipline, à la suite de Jacques Anis (1998), analysent la communication médiatisée par ordinateur (CMO). Une prémisse doit être posée avant d’entrer dans le vif du sujet, pour éclairer certaines des positions qui seront adoptées dans cet article : l’auteur de ces lignes est convaincu de l’utilité sociale des recherches sur les Tice et donc de leur nature praxéologique ; comme l’a écrit Thierry Chanier dans les motivations scientifiques de la revue Apprentissage des langues et systèmes d’information et de communication (http://alsic.org) qu’il a créée en 1998 :
Les décisions politiques tant de l’Union Européenne que des différents gouvernements nationaux vont à très court terme impliquer des millions d’apprenants et de formateurs dans la pratique des systèmes d’information et de communication pour l’aide à l’apprentissage des langues. La communauté universitaire se doit, pour des raisons intellectuelles et aussi pour des raisons d’utilité sociale, d’apporter une réflexion théorique sur cette transformation sociale, réflexion venant équilibrer des considérations purement pratiques, techniciennes ou technocratiques.
Une première partie proposera une réflexion sur les différents paradigmes de recherche possibles, une seconde fera une sorte de zoom sur la question de la formation en ligne et du tutorat, une troisième présentera les apports spécifiques des sciences du langage, la conclusion plaidera pour une approche empirique, pluridisciplinaire et qualitative des Tice dans la formation en ligne.