Défendre, étendre, "excéder" le droit des étrangers? Une pratique inquiète du droit
Résumé
Dès le début des années 1970, le GISTI – Groupe d’Information de Soutien des Travailleurs Immigrés – s’est intéressé au droit et aux pratiques juridiques pour « défendre » et « étendre » le droit des étrangers, alors en pleine élaboration, dans un contexte de renforcement de l’ordre politique et policier. Ces luttes nous inspirent fortement : nous, c’est-à-dire dix personnes à Grenoble qui formons le Bureau des dépositions, un espace de création et de recherche entre art, sciences sociales et droit. Les co-autrices, co-auteurs du Bureau des dépositions élaborent avec une avocate une requête juridique contre les décisions d’expulsion de plusieurs co-auteurs, en s’appuyant notamment sur le droit d’auteur.
Dans cet article, et depuis les pratiques juridiques du Bureau des dépositions, nous nous interrogeons sur ce que « défendre le droit », « lutter pour les droits des étrangers » a de nécessaire mais aussi de problématique. Le droit, et les luttes pour les droits, sont en effet particulièrement ambivalents. Nécessaires dans un monde régi par les droits, ceux-ci sont aussi de puissants instruments de contrôle, qui produisent les sujets qu’ils prétendent protéger ou émanciper. Ainsi, pour Wendy Brown, qui reprend ici une critique des droits formulée par Michel Foucault : « les droits ne doivent pas être confondus avec l’égalité, ni la reconnaissance légale avec l’émancipation » . Que peut vouloir dire alors pratiquer le droit avec inquiétude, et l’« excéder » plutôt que le « défendre » ?