Une expérience intéressante a été menée en mai 2017 au CUEF de Grenoble : une enseignante stagiaire à qui l’on avait confié pour 40h de formation une classe de 9 apprenants migrants adultes, a pris la décision de créer deux groupes Facebook en complément du cours, l’un destiné à poursuivre des activités initiées en présentiel, l’autre pour inciter les apprenants à partager des expériences personnelles. Il s’agissait pour elle de s’appuyer sur des pratiques numériques personnelles déclarées par les apprenants pour multiplier les occasions d’échange en langue cible. Malgré la courte durée de l’expérience, trois semaines environ, les apprenants, qui ne se connaissaient pas auparavant, ont participé de manière active et continue, allant jusqu’à prendre l’initiative de créer un groupe sur Messenger vers la fin de la formation. Je me propose dans cette intervention de revenir sur cette expérience et de réfléchir aux enseignements que l’on peut en tirer. Comment situer cette expérience par rapport à d’autres utilisations de Facebook en éducation ? Quelles modalités d’intervention observe-t-on de la part de l’enseignante et des apprenants ? Sont-ils parvenus à construire une représentation partagée de chaque lieu d’échange, ou relève-t-on au contraire des disparités dans les usages ? Comment l’enseignante stagiaire envisage-t-elle son rôle dans les différents groupes sur Facebook et Messenger, qui correspondent à autant de formes éducatives différentes ? Et enfin, d’une manière plus générale, en quoi cette expérience peut nous aider à penser le numérique en éducation ? Pour tenter de répondre à ces questions, nous nous appuierons à la fois sur des données tirées de l’expérience (échanges et entretiens) mais aussi de la littérature scientifique en lien avec des recherches sur les migrants, le numérique et l’apprentissage des langues (Gaved & Peasgood 2017 ; Colin & Karsenti 2012 ; Springer 2017), l’utilisation éducative de Facebook (Tess 2013 ; Manca & Ranieri 2013), les travaux en sciences de l’éducation sur les formes éducatives (Montandon 2005 ; Brougère & Bézille 2007) et l’intercontextualité (Wiig & al. 2018).