Aide à la réussite scolaire: détour ou médiation? Peinture et littérature en classe de français
Résumé
L'institution scolaire prenant comme un allant de soi le fait que le travail sur l'image peut faciliter la lecture des textes littéraires le préconise comme détour pédagogique. Mais les compétences requises pour accéder aux images se transfèrent-elles si facilement ? Plus qu'un détour qui conduirait de soi-même à la littérature, il semble plus pertinent d'envisager des médiations qui tiennent compte et des spécificités disciplinaires et des modes d'apprentissage des élèves. Pour cela un cadre d'analyse empruntant à la didactique et à la sociologie est ici retenu. Il considère que, pour apprendre, les élèves doivent configurer en permanence trois exigences de l'école relatives aux procédures cognitives, aux attentes culturelles, aux caractéristiques du sujet engagé dans l'étude (Bautier & Rayou, 2013).
Faire réussir les élèves en accroissant leur zone de développement proche passe par un étayage de la part d'adultes qui prennent en compte les spécificités disciplinaires de l'école (Vygotski, 2012). Or, même si la pédagogie du détour ne veut pas se réduire à un travail sur la seule socialisation (Henri-Panabière, Renard & Thin, 2013), elle ne prend pas toujours en charge les médiations nécessaires pour assurer un retour fructueux vers les apprentissages visés.
Nous tentons ici d'analyser un détour prévu par les programmes de français : pour apprendre à lire littérairement un texte selon les normes propres à la discipline, il serait facilitant d’apprendre à analyser un tableau selon les mêmes normes, transposées d’un objet à l’autre (ce que ces pro-grammes nomment comme lecture d’image). Pourtant, rien ne permet de penser que la peinture serait plus familière à l’ensemble des élèves que la littérature, notamment la peinture d’histoire, aux références iconographiques souvent savantes (Panofsky, 1967). Par ailleurs, sans que l’un soit par nature plus facile d’accès que l’autre, tableau et texte sont très différents sur le plan sémio-tique (Eco, 1992). Les procédures cognitives, les savoirs culturels et l’engagement subjectif requis des élèves sont de ce fait très différents. Pour autant, la recherche sur laquelle nous nous ap-puyons (Claude, 2015) montre, d’après l’analyse comparative de textes de réception relatifs à un texte littéraire et à un tableau faite par 350 élèves de troisième et de seconde d'établissements contrastés, que la plupart de leurs écrits s’approche davantage sur la peinture que sur la littéra-ture des attendus tels qu’ils sont définis dans le cadre didactique du sujet lecteur (et plus large-ment du sujet récepteur des arts) (Langlade, Rouxel, 2004 ; Chabanne, Dufaÿs, 2011). Cette diffé-rence est plus nette encore dans les établissements qui recrutent des élèves socialement défavori-sés. Tout ceci conduit à penser que ce détour peut être favorable aux apprentissages de tous à condition qu'une médiation appropriée assure le retour des apprentissages d'un art à l'autre.