Le chalet d'alpage, nouvel enjeu d’urbanisation dans les pâturages
Résumé
Les chalets d’alpage et les bâtiments d’estive sont des emblèmes du patrimoine montagnard. Ils composent le paysage et rappellent l’existence d’une activité agropastorale. Celle-ci est cependant en recul. La déprise agricole que ce recul engendre est contrebalancée par un désir d’alpage motivé par d’autres raisons. L’essor du tourisme et des loisirs ou la recherche d’un environnement dégagé des contraintes du milieu urbain dense sont autant de raisons qui font qu’en plus d’être un espace agricole, l’alpage est aussi un espace de ballade, de jeux et, de plus en plus, d’habitat, tendance à la mode pour citadins en mal d’air pur. Le conflit d’usage est ainsi monté à l’alpage. Dans les secteurs de montagne qui subissent une forte pression foncière, l’alpage est de plus en plus lié au système urbain. La montagne actuelle est de plus en plus ré-occupée pour des agréments de vie tandis que par le passé l’occupation saisonnière des alpages était vitale pour les familles d’agriculteurs. Il n’empêche que les communes sont plutôt heureuses de voir certains secteurs reprendre vie, d’autant que lorsque l’activité agro-pastorale disparait ce sont souvent des terres entières qui sont laissées à l’abandon ou en friche naturelle.
Les conséquences de cette évolution sont multiples. D’un point de vue économique, on observe un accroissement des ventes de chalets d’alpage, le prix de prometteuses ruines pouvant désormais atteindre les sommets du fait d’un potentiel constructible réel alors même que l’on est en secteur naturel d’exception, par principe inconstructible. Cette spéculation se développe actuellement surtout dans les Alpes du Nord, preuve supplémentaire que le marché s’est installé sur certaines pentes. D’un point de vue administratif, les demandes de restauration de ces patrimoines se multiplient bien que les territoires de montagne ne soient pas du tout concernés de la même manière . D’un point de vue environnemental, même si l’on admet l’effet bénéfique de la dynamisation rurale induite par ces restaurations, c’est le paysage qui évolue, notamment dans les zones intermédiaires de moyenne ou petite montagne où se posent les problèmes sournois du mitage (artificialisation des sols, financement public des réseaux, multiplications des voitures etc.). L’enjeu est ainsi devenu plus environnemental qu’agropastoral. Le risque est également la banalisation de la restauration/reconstruction des chalets d’alpage. Un ancien chalet d’alpage reconstruit sans soin particulier et adapté à son temps pour la résidence secondaire perdra son caractère patrimonial. Simple construction, il sera alors possible de l’adapter, de changer sa destination, d’en faire la réfection ou de l’étendre en vertu du III de l'article L. 145-3 du Code de l'urbanisme.
Le sujet des chalets d’alpage peut sembler, de loin, mineur par rapport à d’autres sujets d’urbanisme ou d’environnement en montagne. Toutefois, il est bien à la croisée des chemins : patrimoine, économie, nature. Certes, il ne faut pas surestimer l’importance des problèmes, mais ce serait une erreur de les minimiser. La plupart des rapports ou études sur les dispositions d’urbanisme applicables en montagne et issues pour la plupart de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne (dite loi Montagne), sont en général muets ou peu diserts sur le régime juridique de la restauration du chalet d’alpage sauf pour proposer de l’assouplir. C’est sans doute parce que ce régime ne présentait pas de problèmes majeurs d’application jusqu’à une période récente dans la mesure où les demandes d’autorisation de restauration étaient peu nombreuses.
Si le chalet d'alpage conserve dans l'imaginaire collectif une image positive et bucolique, en droit de l'urbanisme le régime juridique spécial d’autorisation qui encadre sa restauration est aujourd'hui l’objet d’interrogations. Il donne le sentiment d’être permissif d’autant que beaucoup de restaurations concernent des chalets qui sont, sinon leur présence en alpage et quelques éléments d’une architecture ancienne, dénués d’usage agro-pastoral. Puisque l’homme ne se résout pas à laisser à la nature ces espaces, il s’agit d’orienter les projets dans le sens d’une certaine cohérence pour que les modifications en cours du paysage participent encore de la magie des montagnes et non pas à leur enlaidissement par leur assimilation urbaine. Cette étude fait le point sur le régime juridique de la restauration des chalets d’alpage et le contexte d’instruction des demandes (I). Ensuite, elle prône le recours aux documents de planification urbaine afin qu’ils s’emparent davantage de l’encadrement des éléments de préservation du patrimoine de montagne (II.).
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