memoires - Archive ouverte en Histoire etPhilosophie des Sciences et des Techniques Access content directly

 







DUMAS & TEL
are two repositories dedicated to research papers and Ph.D Thesis, and created by the technical unit CCSD (Centre pour la Communication Scientifique Directe - UMS3668) .

 

 

 
DUMAS
Repository for students' Research Papers (Dépôt Universitaire de Mémoires Après Soutenance)
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Last Research Paper submitted

En 1750 et 1751, une campagne hydrographique est réalisée dans le golfe de Gascogne à la demande du Dépôt des cartes et plans de la Marine. Cette campagne a pour but de vérifier et de corriger des cartes marines déjà publiées de la même région. Pendant la mission, plus de 350 sondes à plomb suiffé sont relevées dans le golfe afin de mesurer la profondeur de l’eau et pour lever des échantillons du fond marin à différents points. En étudiant les diverses archives provenant de cette campagne, la chaîne de production des savoirs hydrographiques en jeu au XVIIIe siècle est exposée et déconstruite. Elle englobe chaque étape dans le processus de construction de cartes marines, de l’émergence d’un besoin aux travaux sur le terrain et à leur utilisation finale. Les archives contiennent également les données hydrographiques brutes récoltées pendant la mission. Une méthodologie pour le traitement et l’analyse de ces données hydrographiques historiques est proposée et détaillée. La chaîne de traitement passe par la transcription des données des sources archivistiques à leur standardisation et classification selon des données de référence. Les données historiques ainsi traitées sont ensuite comparées et analysées par rapport à des données actuelles équivalentes. La méthodologie développée implique l’utilisation d’outils en humanités numériques, surtout pour la visualisation via la mise en carte des données historiques traitées.

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Le débat sur la nature de la relation entre écologie et écologisme repose principalement sur des présupposés épistémologiques quant au statut de l'écologie et quant à la façon dont elle doit prendre en compte les activités humaines. L'écologie peut être considérée comme une partie de la biologie, comme une science naturelle interdisciplinaire, ou comme une science interdisciplinaire qui fait le pont entre sciences de la nature et sciences de l'homme. La prise en compte de la spécificité culturelle de l'homme dans son rapport aux écosystèmes et à la biosphère dépend donc du statut que l'on donne à l'écologie.

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S'interroger sur le clonage, c'est s'interroger sur ce qu'il produit, à savoir le clone, le double, dont il s'agira pour nous d'appréhender le sens et de voir en quoi cet être recréé, reproduit par clonage présente une figure complexe, en quoi il représente un être particulier, au statut quelque peu singulier. Il importe donc de définir ce que signifie, ontologiquement et symboliquement, l'action même de cloner et de définir ainsi ce que signifie l'existence d'un clone. En effet, la question du clonage ne peut être séparée de la question même du clone puisque sans clone, il n'y aurait pas lieu de parler de clonage. Par ailleurs, il nous faut définir ce qu'est scientifiquement le clonage. Nous montrerons alors que les définitions mènent parfois à des quiproquos et des illusions qui n'ont pas lieu d'être une fois le terme clairement défini.

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Ce mémoire s'intéresse aux collaborations possibles entre Intelligence Artificielle et philosophie. Il montre que les deux disciplines peuvent partager des objets, des théories et des résultats pour apprendre l'une de l'autre. La stratégie de ce mémoire consiste à expliciter des relations épistémologiques entre les problématiques propres aux deux disciplines ("IA faible" et "IA forte"), afin de définir des modes de collaboration sur le plan disciplinaire. La deuxième partie de ce mémoire présente les travaux de philosophes et de spécialistes de l'IA, depuis les débuts de l'Intelligence Artificielle jusqu'aux années 80. Elle expose les démarches collaboratives exploitées par ces chercheurs, de manière implicite ou explicite. La troisième partie présente des travaux où la philosophie sert de socle conceptuel à l'Intelligence Artificielle, notamment en ce qui concerne la simulation de phénomènes émergents. La quatrième partie réalise un renversement des relations classiques entre les deux disciplines. C'est au tour de l'Intelligence Artificielle de se mettre au service de la philosophie, en formulant de nouvelles hypothèses de recherche ou en testant les théories philosophiques à partir de cas concrets. Ce mémoire, enfin, espère œuvrer pour le rapprochement des deux disciplines et ainsi encourager philosophes et spécialistes de l'IA à collaborer sur les sujets qui leurs sont chers.

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Les derniers écrits (1946-51) de Wittgenstein s'occupent principalement de philosophie de la psychologie et s'attaquent à certaines théories classiques de l'esprit, que les commentateurs qualifient de mythologies. Notre travail consiste à évaluer la possibilité de la présence de ces mythologies de l'esprit à l'intérieur des théories construites par les sciences psychologiques ainsi que les implications sur la psychologie que cette présence est susceptible d'avoir. En nous appuyant sur certains des points centraux de la critique wittgensteinienne (l'usage ordinaire, la distinction conceptuel / empirique, etc.), nous montrons qu'il est envisageable de dégager des thèses, d'inspiration wittgensteinienne, délimitant les prétentions de la psychologie. L'œuvre de Wittgenstein fournirait donc un outil, dans une mesure que nous nous efforçons d'apprécier, pour une mise en débat de la scientificité de la psychologie, en particulier des neurosciences cognitives.

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Cette étude tente de répondre à la question "qu'est-ce que le jazz ?" en partant des spécificités musicologiques propres à cette musique pour rejoindre la pensée sociale et culturelle du jazz. Plus qu'un simple travail de définition, il s'agit d'analyser le jazz pour en extraire ses valeurs, d'interpréter les phénomènes musicaux jazzistiques en les plaçant toujours déjà dans un contexte historique et social déterminé. Penser le jazz, c'est établir son unité esthétique. Pourtant, on n'épuise pas le phénomène jazzistique à parler de swing et de sonorité : penser le jazz c'est aussi comprendre les origines musicales d'une telle musique et donc utiliser une méthode généalogique permettant de comprendre pourquoi, un jour, des hommes ont joué de la musique de telle manière. Le discours musicologique s'ouvre à la philosophie sociale et aux sciences historiques. Penser le jazz, c'est alors comprendre qu'il est une musique populaire, issu de la rencontre brutale des musique occidentale et africaine dans le contexte de la ségrégation raciale. Si certains discours sur la musique font de l'abstraction leur crédo, un discours sur le jazz semble devoir nécessairement prendre en compte les contextes socio-historiques dans lesquelles on joue du jazz. Le jazz se joue, se danse, s'incarne dans des gestes, des attitudes et des corps, et ce faisant, véhicule une pensée musicale que l'on ne peut pas comprendre si l'on s'en tient à une analyse musicologique. Penser le jazz comme pensée, ériger le jazz en porte d'entrée privilégiée d'une culture américaine naissante, comprendre l'encrage de la musique de jazz dans la Weltanschauung américaine sont les enjeux de cette étude qui donne en outre des pistes tant méthodologiques que généalogiques pour entreprendre une analyse des musiques populaires postérieures au jazz.

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Nous proposons à travers ce travail de regarder la pensée philosophique comme étant essentiellement liée au phénomène d'ἀνάμνησις, c'est-à-dire au ressouvenir ou à l'anamnèse. Nous cherchons à repenser le propre du philosopher. Dans cette optique, philosopher signifie "se ressouvenir". Pourtant, l'anamnèse n'a pas affaire à la mémoire et aux souvenirs. Elle est expérience, à travers laquelle adviennent une vérité et un savoir. Notre point de départ se trouve dans une évidence de la pensée philosophique : la pensée a une histoire et s'enracine dans une tradition. Tout ce qu'on met devant la pensée, tout ce que la pensée prend comme tâche a un lien avec ce qui a été pensé auparavant ou fait référence à ce qui a été, qu'on l'admette ou non. Nous identifions, cachée sous la forme de cette évidence, une tendance de la pensée philosophique qui n'a pas été mise en question ou explicitée. Ainsi, philosopher c'est dans un certain sens se retourner vers le passé afin de le reprendre sous un jour nouveau. Ce point de départ trouve sa confirmation philosophique à travers une analyse "historique" : l'anamnèse chez Platon et Gadamer. C'est à travers cette façon de mettre à l'œuvre ce que l'évidence nous a dévoilé qu'on découvre que l'anamnèse décrit la recherche et la découverte de type philosophique. Pour Platon, l'άνάμνησις représente moins une actualisation d'un savoir tout fait, inné et latent, qu'une manière de reprendre quelque chose de "su" sous un jour nouveau. C'est donc ce mouvement "rétrospectif" qui rend possible le savoir et la vérité pour la pensée philosophique. Selon Gadamer, l'άνάμνησις platonicienne s'apparente à une re-connaissance. Ces deux analyses dévoilent une certaine "structure" que possède l'anamnèse, un certain mode d'être : elle se définit par le "re-". Il s'agit d'un re-vivre, re-connaître, re-conquérir, re-voir "à distance" la réalité. Ceci renvoie à l'idée de "voir" les choses "dans une autre lumière", ou faire une nouvelle expérience des choses qui apporterait un surcroit de connaissance. Le "re-" de l'anamnèse désigne le fait de re-faire une "expérience". L'anamnèse représente une expérience du philosopher. Philosopher et parvenir à un savoir signifie, dans ce sens, faire l'expérience de l'expérience.

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Notre projet de mémoire, ci-dessous développé, est le suivant : comment étudier la notion d'émergence dans le cadre de la métaphysique anglo-saxonne contemporaine ? Pour répondre à cette question, notre réflexion partira du système ontologique particulier, à savoir le "carré ontologique", d'inspiration aristotélicienne et repris par un auteur contemporain, E.J. Lowe. Dans ce système, les catégories ontologique d'"objet", de "phénomène", de "propriété" et de "condition" sont analysées comme étant fondamentales, irréductibles et suffisantes pour décrire tout le contenu de la réalité. Nous nous sommes limités cette année à la présentation de ce système, espérant par la suite pouvoir le développer dans le sens d'un physicalisme non réductif. Notre thèse finale sera alors la suivante : il est possible que de nouvelles conditions émergent.

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TEL
Repository for the archiving of Ph.D theses
(Thèses En Ligne)
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Last Ph.D. submitted

Cette thèse étudie les transformations des savoirs et des pratiques biomédicales autour de l’intersexuation en France. Elle étudie l’émergence et la mise en place, au XXe siècle, d’un dispositif de médicalisation précoce des enfants ayant un sexe atypique en prenant pour exemple l’histoire d’une variation particulière – l’hyperplasie congénitale des surrénales (HCS). Ce dispositif de normalisation se fonde sur un changement de paradigme incarné par un protocole rédigé à l’hôpital Johns-Hopkins dans les années 1950, et dont cette thèse analyse la réception en France. L’historicisation du dispositif de prise en charge des « filles HCS » sert à examiner la production médicale de plusieurs « évidences » à leur égard : leur appartenance indiscutable au sexe féminin et la supposée nécessité d’une intervention médicale durant la petite enfance, évidences soutenues par des nouvelles techniques ainsi que des théories psychologiques sur le genre et la sexualité. À partir d’une analyse d’archives – notamment des publications scientifiques – et des entretiens avec des acteurs-clés de ce processus médical, cette thèse montre que la multiplication des connaissances et des modalités d’intervention médicale produit paradoxalement des formes d’ignorance de la part du milieu médical français et des résistances à abandonner un paradigme pourtant maintes fois remis en question. À travers l’étude de deux champs de savoirs et d’action sur l’HCS – le diagnostic prénatal et les études de suivi à long terme – cette recherche analyse comment persistent les évidences à propos du sexe en dépit du caractère incertain et complexe des savoirs que l’intersexuation révèle. Cette persistance des évidences est rendue possible par divers mécanismes de mise à l’écart de connaissances alternatives, témoins de la légitimité sociale et de l’emprise exclusive dont bénéficie actuellement la médecine.

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La pilule contraceptive est aujourd'hui centrale dans les pratiques comme dans les représentations en France, au point que son recours élevé et que le moindre usage des autres méthodes fassent figure d'évidence. La thèse retrace la genèse de cette évidence, en montrant de quelle manière le recours à la pilule comme méthode principale de contraception est devenu, entre 1960 et 2000, une norme sociale et médicale. Elle s'appuie pour cela sur un large corpus d'archives, sur des entretiens avec des expert·e·s en contraception, et sur les données d'enquêtes nationales sur les pratiques contraceptives et prescriptives. Cette recherche montre que la norme contraceptive française – faisant de la pilule la méthode principale d'espacement des naissances, et du dispositif intra-utérin la principale contraception d'arrêt, lorsque les femmes ne souhaitent plus avoir d'enfant – se généralise au cours des années 1980. En parallèle de cette évolution dans les pratiques, la pilule devient centrale dans les représentations médicales et médiatiques à la fin des années 1960, jusqu'à se confondre avec la contraception dans son ensemble. Ce « pilulocentrisme » médical et médiatique s'accompagne de l'éviction des autres méthodes contraceptives. Ce travail de thèse a permis d'éclairer le rôle des expert·es en contraception dans la définition et la diffusion de cette norme. D'une vision de la contraception comme une panoplie de méthodes, ces expert·es évoluent progressivement vers l'idée que la pilule est la seule méthode efficace et sans risque, dans les limites de ses contre-indications. Les industries pharmaceutiques ont également un rôle déterminant dans la définition des catégories mobilisées par les expert·es, et dans la focalisation progressive de l'offre contraceptive sur les contraceptifs oraux. Si des tentatives de contestation de la norme contraceptive ont émergé, notamment dans le champ médical, à la fin des années 1960 et au début des années 1980, elles n'ont finalement eu que peu d'impact. Les militantes féministes des années 1970 se sont révélées être des alliées plutôt que des opposantes à cette norme, et ont érigé la pilule comme symbole des luttes pour les droits reproductifs.

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Cette thèse propose de problématiser la grossesse comme un travail des femmes encadré par des institutions et façonné par les rapports sociaux de genre, de classe, et de race. L’analyse est basée sur une enquête par entretiens auprès de femmes enceintes et de leurs conjoints, et par observations dans deux maternités hospitalières (Île-de-France, 2014-2017). Cette thèse montre que la survenue des grossesses est encadrée par une norme conjugale, qui se décline selon des scripts conjugaux ; elle souligne également que le « bon moment » (la norme procréative) pour avoir un enfant varie selon les trajectoires et les positions sociales des femmes et de leurs conjoints. Elle interroge la manière dont l’encadrement étatique et médical des grossesses définit une temporalité spécifique de la gestation et met les femmes enceintes au travail de patiente. Le soin s’étend à l’espace et au temps domestiques dans la mesure où les femmes enceintes sont incitées à modifier leur vie quotidienne pour prévenir les risques. La division genrée du travail ménager et parental n’est modifiée que marginalement à l’occasion de la grossesse, tandis que la préparation de l’accueil d’un nouveau-né s’ajoute pour les femmes aux tâches habituelles. Dans l’espace du travail salarié, les grossesses apparaissent comme clandestines, à la fois illégitimes et ignorées. Elles jouent un rôle de révélateur vis-à-vis du salariat, en mettant en lumière l’extension du temps de travail, la pénibilité et les risques professionnels.

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A la croisée de l'histoire de l'archéologie, de l'anthropologie des savoirs et de l'histoire du livre, cette thèse vise à comprendre la mise en livres, en images et en savoirs de la mythologie gréco- romaine, en France et en Allemagne, entre le XVIIIe siècle et la première moitié du XIXe siècle. Alors que le rythme d'institutionnalisation de l'archéologie diffère fortement dans les deux pays, cette période se caractérise également par une transformation des modalités d'analyse des objets issus de l'Antiquité. On passe d'un régime d'image antiquaire à un traitement scientifique des vestiges antiques et notamment mythologiques. Ces représentations mythologiques font alors l'objet d'interprétations de plus en plus spécifiques dans le champ de l'archéologie naissante. Cette thèse vise à montrer comment la mythologie, via ses reproductions, devient objet de savoir de cette discipline émergente. La matérialité de ce processus, l'interprétation de ces images, la construction de traditions bibliographiques ainsi que les lieux et moyens d'usage de ces représentations sont des angles d'approche qui traversent cette recherche. Elle vise à éclairer, sous l'angle des images, la fabrication de la science archéologique au XIXe siècle, permettant un utile retour réflexif et épistémologique sur ces pratiques savantes.

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Cette thèse vise à comprendre les arrangements pratiques auxquels ont recours les familles lorsqu'elles sont confrontées aux difficultés d'ordre mental d'un enfant ou adolescent. Mon enquête ethnographique sur 42 familles de la région parisienne, complétée par des données statistiques locales et nationales, met l'accent sur les théories diagnostiques que les proches de l'enfant sont amenés à formuler pour expliquer, décrire et prévoir son comportement. Si ces théories sont largement influencées par les discours professionnels recueillis, elles sont au croisement d'enjeux multiples : rapports de force avec les professionnels de la santé, avec les professionnels du champ de prise en charge de l'enfance handicapée, enfin avec les membres de l'entourage de l'enfant. Démêler la relation entre ces enjeux et les théories diagnostiques permet de mieux comprendre les décisions prises par l'entourage de ces adolescents et la manière dont elles varient d'une configuration à l'autre.

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Depuis les Lumières, la notion de « critique » occupe une place centrale dans les réflexions que les sociétés occidentales conduisent à propos de leur caractère proprement moderne. C’est en étant « critiques » que nous nous distinguons de nos prédécesseurs, ainsi que des sociétés avec lesquelles nous continuons de coexister. En suivant Reinhart Koselleck, on pourrait dire que la « critique » représente ainsi l’un des « Grundbegriffe » de la modernité, c’est-à-dire, un concept fondamental qui non seulement guide, mais rend effectivement possible notre compréhension et notre interprétation des phénomènes en tant que tels. Cependant, si nous tentons de proposer une définition viable de la critique elle-même, nous sommes forcés d'admettre que les récits existants, en fondant la critique dans les capacités inhérentes à l’être humain, souffrent d'une « aporie » qui non seulement contredit la thèse initiale de la critique comme étant un phénomène proprement moderne et spécifiquement occidental, mais finit également par compromettre son efficacité sociale. D'un point de vue philosophique, cette situation logiquement défectueuse et pratiquement intenable demande une réflexion conceptuelle concernant les processus de pensée impliqués dans ce que nous appelons « pensée critique », ainsi qu'une clarification historique des sources sociales des principes guidant cette forme de pensée. Alors, selon une doxa philosophique classique, la clarification conceptuelle de la critique revient à interpréter les écrits de ce qu’on pourrait appeler la « trinité critique » allemande : Kant, Marx, l'école de Francfort. Comme ce phénomène nous intéressait du point de vue de son rôle dans la constitution de la modernité, c'est en raison de sa position historique unique, à savoir sa conjonction avec les Lumières, que nous étions amenés à nous concentrer sur le travail d'Immanuel Kant. À la différence de l’exégèse philosophique antérieure qui assimilait la « critique » de Kant au contenu de sa philosophie en tant que telle, notre interprétation a tenté d’en comprendre le sens en se concentrant sur les «opérations de la raison» qui étaient effectuées au nom de ce concept. Une telle perspective nous a permis de discerner, d’abord, que le geste critique de Kant avait été déclenché par une certaine « rationalité temporelle », elle-même marquée par une attitude assez particulière, a-normative, envers le passé ; deuxièmement, qu’il a été exécuté selon une certaine compréhension de la vérité aux allures dogmatiques ; et enfin, qu’il a été accompli, non pas tellement au nom de la « raison théorique », comme on le pense habituellement, mais plutôt en vue du développement de sa « faculté pratique ». C’est donc en nous basant sur cette analyse de la logique du geste critique de Kant que nous avons entrepris une enquête historique concernant ses origines sociales. Compte tenu de la spécificité de l'objet en question, nous avons d'abord été confronté à la tâche d'adopter une perspective philosophique permettant de saisir son émergence historique. Nous avons tenté de l’élaborer en faisant dialoguer, d’une part, l’«l'histoire conceptuelle» de Reinhart Koselleck et, d’autre part, l’approche généalogique de Michel Foucault – deux perspectives théoriques qui ont également produit leur propre analyse historique au sujet de la naissance de la critique, mais qui semblent toutefois ne pas avoir complètement réussi à rendre compte de son caractère spécifiquement moderne. Néanmoins, c’est en suivant l’histoire conceptuelle dans son insistance sur la nature conceptuelle de la critique ; en adoptant la compréhension que la généalogie propose de son caractère essentiellement « protestataire » ; et surtout en poursuivant les intuitions de Foucault et de Koselleck concernant ses relation complexes avec la religion ; que nous avons pu mener à bien la partie historique de notre recherche et de délinéer le contexte social dans lequel avait surgi le phénomène de la critique moderne. Plus précisément : en suivant la trajectoire historique du terme grec κριτική, nous avons tout d’abord pu comprendre que notre compréhension moderne de la critique qui la dote d’un caractère « contestataire », ne découle pas de ses origines étymologiques antiques, mais qu’il s’agit, en fait, d’une invention conceptuelle proprement moderne. De surcroit, en mettant en relief la relation particulière que la critique entretient avec la religion, nous avons pu envisager la possibilité que ce phénomène ne soit pas né en s’opposant à, comme on le pense communément, mais bien à l’intérieur du domaine religieux. Cette hypothèse a été confirmée empiriquement par nos propres recherches, qui ont abouti à la constitution du «Corpus Criticorum» - une collection de 171 œuvres, écrites entre 1455-1650, principalement par des auteurs réformés. C’est surtout dans ce dernier fait que réside la clé d’une compréhension convenable du phénomène moderne de la critique, dont l’insistance sur l’émancipation impérative face au passé ; dont l'opposition incessante à l'autorité ; et dont l’obligation de « penser par soi-même » ; ne peuvent plus être considéré comme le symbole de son caractère « éclairé », mais plutôt comme un symptôme de son passé « réformé » et oublié.

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Avec la Convention pour la Sauvegarde du Patrimoine Culturel Immatériel de l’UNESCO (2003), le concept de patrimoine s’est trouvé élargi à de nouveaux objets, mais surtout une nouvelle distribution des rôles s’est opérée parmi les acteurs, mettant les praticiens individuels et collectifs au coeur du dispositif. Les états qui ont ratifié la convention se sont donné l’obligation de procéder à des inventaires en impliquant les communautés dans la désignation de ce qui, pour elles, fait patrimoine immatériel, offrant ainsi une opportunité d’expérimentations de formes et de méthodes pour réaliser cet objectif. Ces inventaires se sont largement appuyés sur des technologies numériques pour leur constitution et sur le web pour leur diffusion. La dynamique sociale dans laquelle s’inscrit la notion d’inventaire s’appuie sur un imaginaire des techniques numériques comme moyen de conjurer la perte culturelle et une relation ambigüe se noue au moment de l’inventaire nativement numérique entre immatériel et virtuel. L’étude du récit de l’histoire du web permet de mettre en évidence un ensemble de mythes fondateurs d’Internet qui contribuent à cette ambiguïté. À partir d’une participation observante à l’Inventaire du Patrimoine Immatériel Religieux du Québec (IPIR), qui s’appuie sur les définitions de la convention UNESCO, il s’agit de considérer les technologies numériques, dont Internet, comme outils que les communautés (État, communautés locales, acteurs de l’inventaire) mobilisent pour se mettre en scène par le patrimoine immatériel. L’exemple de l’IPIR, chargé de trois missions (conserver la mémoire, répertorier les pratiques vivantes, les communiquer), comparé à d’autres inventaires en ligne existants illustre la plasticité des inventaire du Patrimoine Culturel Immatériel. Les trajectoires de l’inventorisation émergent en interrogeant la demande sociale d’un inventaire du Patrimoine Culturel Immatériel religieux dans le contexte de déchristianisation du Québec à partir des années 1960. Enfin, la diffusion sur le web des données d’inventaire permet de questionner les usages des techniques et les formes de représentations du web comme moyen de transmission culturelle. Alors que la dynamique sociale dans laquelle s’inscrit un inventaire en ligne s’appuie sur un imaginaire des techniques numériques comme moyen de conjurer la perte culturelle, la prolifération des traces sur le web vient défier la promesse d’accessibilité universelle que portait le web des origines.

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La terre et son impact économique ainsi que la symbolique qui s'y rattache d'une part, et la tribu et son évolution au cours de cette période d'autre part, deux éléments majeurs de la mentalité collective arabe palestinienne qui ont pu se prévaloir d'une influence décisive dans l'implantation israelienne en Palestine.

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Nous partons d'un état des définitions de l'évaluation. Nous verrons comment certaines orientations initiales de l'évaluation mettent en lumière la relation entre cette démarche et la question de l'absence d'un espace critique. Nous aborderons ensuite la question du public des expositions comme élément d'un espace public naissant au XVIIIème siècle en France, puis le retrait de la capacité critique de ce public. La conception éducative des expositions au sein des musées, qui a bénéficié de cette perte de la fonction critique du public, nous amènera à la muséologie des sciences et des techniques et au cas particulier de la Cité des Sciences et de l'Industrie. Le parti-pris thématique, qui se rattache à l'émergence de la muséologie de points de vue, y a suscité la résurgence d'un " besoin du point de vue du public ", et l'essor des études de représentations. Nous abordons ensuite les implications de l'étude des représentations sociales en muséologie, en particulier la manière dont elles ont été adoptées en muséologie, avec des limitations importantes comme la réduction des représentations sociales à la sphère du savoir de sens commun par opposition au savoir du spécialiste. Nous proposons de substituer à la conception de l'entretien comme mode de recueil de données nécessaires à la caractérisation des représentations sociales, une conception de l'entretien comme situation de communication mettant en jeu des positions de parole, des compétences sociales, et des hypothèses qui relèvent de la pensée sociale en acte. Nous détaillons les quatre moments de l'interprétation dans le traitement des études préalables à la Cité des Sciences et de l'Industrie : - la constitution du corpus et l'engagement dans la durée ethnographique, étude après étude; - le passage des thèmes d'expositions qui constituent l'objet des études, aux thèmes des entretiens qui constituent l'objet des représentations sociales; - le statut de membre du public, et le statut de visiteur à travers les situations d'enquête; - les anticipations des modèles d'usage de l'exposition.

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Le temps de la décroissance de l'activité radioactive de certains radionucléides contenus dans les déchets nucléaires, en dessous d'un seuil considéré comme acceptable, se compte parfois jusqu'en centaines de milliers d'années. Comment les salarié.es de l'Agence Nationale pour la gestion des Déchets Radioactifs (Andra) montrent la sûreté d'un dépôt géologique de ces déchets sur de telles temporalités ? C'est à cette question qu'entreprend de répondre cette thèse, à partir d'une étude des archives de cette agence et d'observation menées au sein de celle-ci.Cette thèse est d'abord une histoire sociale des pratiques savantes mobilisées, depuis les années 1980 jusqu'à 2013, pour étudier l'évolution d'un stockage (géologie, étude des matériaux, simulation numérique...) Elle analyse également le rôle de la recherche dans le gouvernement de l'aval du cycle nucléaire depuis la loi de 1991 qui, en France, encadre la gestion des déchets nucléaires.Bien que l'évacuation géologique soit la seule solution de gestion envisagée pour les déchets radioactifs, la dissociation entre les recherches menées dans le laboratoire souterrain de Bure et leur finalité a permis à l'Andra de s'implanter localement. Cependant, l'Andra se heurte à l'impossibilité épistémique d'appréhender exhaustivement l'évolution d'un stockage sur des centaines de milliers d'années. Désormais, les recherches accompagnent l'implantation du stockage, transformant sans cesse la compréhension de son comportement. Alors que la démonstration publique de la sûreté d'un stockage devient une condition d'acceptation d'un tel ouvrage, l'Andra abandonne peu à peu la prétention à produire une preuve formelle sur le modèle d'une démonstration mathématique : à partir des années 2000, la sûreté repose sur un « faisceau d'arguments » apportant la garantie d'une certaine maîtrise de l'évolution du stockage. Enfin, cette thèse montre au prix de quelles hypothèses la gestion des déchets nucléaires a été promue, durant les années 2000, comme un exemple parfait de démocratie technique.

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