Jeux de pleins et de vides sur la scène de notre temps
Résumé
When serving as an envelope to the Elizabethan plays, French contemporary theatres have a tendency to simplify the aesthetic outlines: from huge rectangular panels reminiscent of Craig’s geometrical space to simple curved lines in other performance areas not to mention volumes where colours remind us of Mondrian’s pictorial art or Escher’s infinite perspectives, stage properties constantly challenge the notions of emptiness and fullness. Yet how can highly idiosyncratic plays such as Richard II and The Merchant of Venice, A Midsummer Night’s Dream and Titus Andronicus or again King Lear be fully significant in often bare spaces or loci steeped in an atmosphere that shares no characteristics with the Renaissance period? In this paper, basing my analysis on varied iconographic documents, I try to assess the influence of French aesthetic choices on performance and dramatic meaning. The way in which renown directors and companies from abroad have had their part to play is also observed: Peter Brook, Harley Granville Barker and RSC directors are all in filigree of French scenographies. Last but not least, if the notions of emptiness and fullness alternately tend to define contemporary spaces, aren’t they due to a profoundly theatrical interpretation of Shakespeare’s work which is “to let our imagination body forth the forms of things unknown”?
Confronté à l’œuvre élisabéthaine, l’espace scénique contemporain se caractérise en France par une simplification des lignes esthétiques : des grands panneaux rectangulaires rappelant l’espace géométrique craigien, au dessin courbe d’une aire de jeu sobre, sans omettre les volumes dont les couleurs évoquent l’art pictural d’un Mondrian ou l’infinitude eschérienne, les scénographies jouent sur le plein et le vide. Or comment permettre à des œuvres aussi diverses que Richard ii, Le Marchand de Venise, Beaucoup de bruit pour rien, Titus Andronicus ou Le Roi Lear de s’exprimer en des espaces souvent nus ou emprunts d’une modernité étrangère à l’esprit Renaissant ? Dans cette étude, en m’appuyant sur de nombreux documents iconographiques, je souhaiterais mesurer l’influence des choix esthétiques français sur les jeux de scène et sur la transmission du sens des drames. La façon dont contribuent les grands noms d’outre-manche sur la scène shakespearienne française sera aussi observée : l’ombre de Peter Brook, de Harley Granville Barker et des actuels directeurs de la Royal Shakespeare Company par exemple se laisse-t-elle deviner en filigrane de nos dispositifs scéniques qui, modulables à l’envi, s’animent dans une chorégraphie devenue ludique ? Enfin, si les figures du plein et du vide semblent définir l’espace contemporain, ne sont-elles pas l’enjeu d’une interprétation de l’œuvre shakespearienne profondément théâtrale et susceptible de laisser « our imagination body forth the forms of things unknown » ?