C'est toujours dans une vision de l'histoire et dans ses possibles mémoires que les pouvoirs en place puisent les ressorts de leur légitimité. Pour justifier leur engagement dans le présent, définir la marche à suivre, promouvoir une identité collective ou le modèle dont ils se réclament, ils ont inévitablement besoin de se situer dans le temps et l'espace, d'y circonscrire l'étendue et la continuité de leur action. Comment, d'une société ou d'un régime à l'autre, se déploie ce processus de légitimation du politique aujourd'hui ? Quelles formes revêt-il exactement dans les discours qui émanent des sphères officielles ? Donne-t-il lieu à la production de contre-discours fondamentalement différents dans leurs finalités ou les procédés dont ils usent ? Et comment s'y articulent, au juste, ces trois pôles irréductibles de l'expérience humaine que sont l'histoire, la mémoire et le pouvoir ? Telles sont les questions de départ auxquelles les auteurs réunis dans le présent volume se proposent de répondre. Couvrant des aires géoculturelles et des pays aussi variés que la Russie, l'Iran, le Liban, la France, l'Espagne et Cuba, les travaux qu'ils portent ici à l'attention du lecteur entreprennent de sonder les stratégies de légitimation du politique impliquant la formation d'identités individuelles et collectives, soit par la (re)construction du récit historique, soit par les représentations mémorielles sous-jacentes. Par les objets et les angles d'analyse qu'elles croisent, leurs contributions offrent un regard comparatif sur les usages de l'histoire et de la mémoire dans les discours et les pratiques politiques du monde contemporain. Plus encore, elles éclairent la façon dont, ici ou ailleurs, les invocations de l'histoire et de la mémoire interagissent avec les récits qui, prétendument, fondent le pouvoir politique ou le déposent de son autorité.