L'approche critique peut parfois sembler très orientée vers la théorie et l'étude des inégalités et des dominations sans inclure de dimension interventionniste spécifique, la dénonciation étant en soi une "Praxis" (Horkheimer, 1937). En éducation toutefois, les chercheurs travaillant sur ces questions sont également des enseignants universitaires dont certains sont en charge de la formation des futurs enseignants. Dès lors, la question de l’intervention ne peut plus être éludée. Diverses enquêtes menées auprès d’enseignants débutants montrent que ces derniers éprouvent des difficultés en matière d’usage du numérique, à sortir de schèmes intériorisés au cours de leur vie d’apprenant. Nous nous demandons ici comment se traduirait la prise en compte de l’approche sociocritique, envisagée dans ses dimensions explicative, évaluative/normative et pratique (De Munck, 2011), dans la formation au numérique des futurs enseignants. Comment amener les enseignants en formation à prendre de la distance par rapport aux discours incitatifs, parfois prophétiques, aux obligations statutaires, aux différentes orientations éducatives rencontrées durant leur formation ? Comment les encourager à s’interroger sur leurs propres pratiques du numérique, sur leurs représentations et la manière dont les objets techniques changent leur rapport au monde ? Comment faire en sorte qu’ils développent une conscience citoyenne sur le numérique en éducation ? Quelle posture enfin devraient adopter les formateurs qui, s’inscrivant dans une approche sociocritique du numérique en éducation, souhaiteraient favoriser une autonomie des étudiants dans la construction de leur rapport au numérique éducatif ?