Sur la route de Babadag (2004) est le récit de nombreux voyages effectués par l’écrivain polonais Andrzej Stasiuk,entre 1996 et 2003. Les pérégrinations de l’auteur se situent résolument dans la période de la transition du communisme au capitalisme, après 1989. Les régions visitées sont la Slovaquie, la Hongrie, la Roumanie, la Moldavie, la Transnistrie, la Slovénie etl' Albanie. Mais pour qui écrit le Polonais Stasiuk ? Bien qu’il pratique un savant jeu de connivence (avec un lectorat slave) et d’exclusion (avec le lecteur occidental), il tend à chacun le miroir : satire féroce des Occidentaux et de leurs imitateurs ; portrait aimant mais sans complaisance des « siens » - Slaves, Orientaux, Tsiganes bien aimés et autres « Barbares » plus ou moins nomades-, car chacun se méconnaît et refoule une partie de lui-même. Son écriture tend à mimer les caractéristiques de « son Europe », c’est-à-dire, pour nous, de l’ « autre Europe », par des procédures qui donnent la parole à l’inconscient (digressions, analepses, ellipses, association libre, composition cumulative ou rhapsodique, et non pas logique ou chronologique). Mais dans le même mouvement l’écriture dépasse la tentation de l’exclusion (énigmatisation, allusions, entre soi des citations non traduites) pour se faire initiation à une lecture active, participative. Cette dynamique est possible parce qu’elle se nourrit d’un retour sur soi.