, peut-être avec quelque légèreté, que même l'ennemi quand on en voit les yeux, même les fous et les criminels si on se met à se représenter ce qui se passe en eux, sont d'abord pour nous des êtres humains (SS, pp.587-588

, Au chapitre XII, « La Vallée de la Somme », on trouve un exemple de cette humanité qui dépasse les frontières et les divisions ennemies : l'un des bonapartistes se trouve face à un homme du Roi, commandant de grenadiers, qu'il a connu dans son enfance. Celui-ci est grièvement blessé et se retrouve entre la vie et la mort. Robert Dieudonné, le bonapartiste, lui donne son manteau (SS, Cette idée neuve de l'individu, née avec la Révolution, se combine ici avec les idéaux d'Aragon, p.397

, C'est ainsi qu'à ce croisement de routes au bord des marais de la Somme, vers trois heures de l'après-midi, trois heures un quart, ce mercredi 22 mars 1815, le lieutenant Robert Dieudonné, du 1 er de chasseurs impériaux, mit, pour quelque temps, sous un commandement unique les deux tronçons divisés de l'armée française, qu'on avait envoyés à la rencontre l, Il donne des ordres à ses grenadiers comme s'il était des leurs : Par un étrange phénomène, les grenadiers, pp.399-400

, sont d'accord pour dire qu'il est difficile de porter un jugement sur le passé avec nos yeux d'aujourd'hui. Le passé reste passé, il doit échapper à la simplification, à l'abstraction auxquelles le présent le réduit souvent. Il doit aussi garder son mystère et son épaisseur, sa complexité essentielle, comme le souligne Aragon pour qui l'Histoire, aux yeux du présent, est une illusion, une fiction qui ne dépasse jamais ce statut : « Tout cela est, Quelle vision de l'Histoire nous apportent alors ces romans ? Chacun des deux auteurs dont nous avons lu les romans

, Le roman est une tentative d'approche de ce qu'ont pu être les événements mais c'est seulement une des manières possibles de mettre en scène l'intrigue du passé, de « refigurer » ce qui n'est plus, selon l'expression de Paul Ricoeur. Le romancier est une sorte de magicien qui peut entrer dans les consciences grâce à sa position omnisciente. Patrick Rambaud comble les lacunes de l'histoire en inventant un personnage, Octave, sorte de double du narrateur, qui invente et restitue ce que les documents historiques n'ont pas pu léguer. Il imagine les dessous de l'Histoire, perdus à jamais, et il approche le réel disparu par le vraisemblable de la fiction