Les métaphores comme voie d’accès à l’anglais scientifique et technique. - Université Grenoble Alpes Accéder directement au contenu
Hdr Année : 2016

Les métaphores comme voie d’accès à l’anglais scientifique et technique.

Résumé

Marie-Hélène Fries, dans son propos liminaire, a commencé par revenir sur les étapes principales de son itinéraire de recherche, qui lui permis d’explorer l’hypothèse selon laquelle les métaphores constitutives des théories scientifiques constituent un aspect fondamental pour la recherche en anglais des sciences et technologies. Elle a ensuite exposé les raisons qui l’amènent à affirmer aujourd’hui que cette hypothèse est valide et que les métaphores sont véritablement un outil d’analyse fondamental en anglais scientifique et technique, qui éclaire les concepts de spécialisation, de domaine et de genre discursif. Elle a terminé sur les pistes de recherche qu’elle souhaiterait explorer à l’avenir. Lorsqu’elle a été nommée maître de conférences en anglais scientifique à Grenoble, en 1990, Marie-Hélène Fries s’est rapprochée du GERAS (le Groupe d’études et de recherche en anglais de spécialité), qui regroupait à l’époque les enseignants-chercheurs en anglais de spécialité n’ayant pas de laboratoire de recherche dans leur université. Dans cette mouvance venait de se créer un DEA en anglais de spécialité, auquel elle a participé en encadrant deux mémoires (sur l’interculturel et sur les métaphores dans les parfums). Certains collègues du GERAS travaillaient déjà sur la publicité en anglais de spécialité. Ce champ de recherche est apparu à Marie-Hélène Fries comme un bon moyen d’ouvrir ses cours d’anglais scientifique et technique à la culture des pays anglophones. Elle a donc commencé son itinéraire de recherche en étudiant les liens entre images et texte publicitaire, par une approche sémiologique, dans les publicités à caractère scientifique et technique. Elle a aussi commencé à explorer les théories des métaphores, en commençant par la rhétorique classique inspirée d’Aristote, puis en continuant avec les théories interactionnistes des années 1960, puis avec les approches cognitives. La lecture d’un article de recherche particulièrement riche en métaphores (qui portait sur les produits de contraste en IRM) a ensuite amené Marie-Hélène Fries à étendre cette approche au pôle spécialisé du discours scientifique. L’analyse des métaphores et des modèles dans cet article de physico-chimie lui a permis de montrer le caractère métaphorique des modèles moléculaires visuels, de découvrir l’importance des termes métaphoriques et des métaphores constitutives des théories dans les articles scientifiques et donc, en conséquence, l’utilité heuristique des métaphores pour comprendre les théories scientifiques de façon globale, même lorsque l’on ne maîtrise pas le formalisme mathématique qui les sous-tend. Ce point est fondamental pour la recherche en anglais scientifique, où les anglicistes ayant une double formation en sciences et technologies sont rares, et où même les chercheurs et les ingénieurs ont souvent de la peine à comprendre les recherches de collègues relevant d’autres domaines spécialisés que le leur. La troisième étape du parcours de recherche de Marie-Hélène Fries a commencé lorsque la section 11 du Conseil national des universités a décidé de rendre obligatoire la publication d’une monographie pour le dossier d’habilitation à diriger des recherches. Elle a alors choisi d’élargir son horizon de recherche aux nanotechnologies, domaine qui englobe la plupart des sciences et des techniques à l’échelle des atomes et des molécules, en s’intéressant à la fois aux discours produits par les chercheurs, aux débats portant sur les nanotechnologies aux Ėtats-Unis et enfin, aux marges de la vulgarisation, à la fiction à substrat professionnel (FASP) et la science-fiction, en Amérique du nord. Pour explorer les discours sur les nanotechnologies, elle a été amenée à changer d’échelle pour ses analyses et à passer des études de cas qu’elle avait menées jusqu’alors à une recherche sur des corpus de textes informatisés (articles de recherche et sites internet). Au point où elle en est actuellement dans son itinéraire de recherche, Marie-Hélène Fries est arrivée à trois résultats principaux. Tout d’abord, les termes métaphoriques sont la preuve, par leur présence dans les dictionnaires spécialisés comme par leur fréquence d’utilisation dans les corpus, qu’il existe bien des métaphores en sciences et technologies. Les raisons principales pour lesquelles ce point est, jusqu’à présent, passé largement inaperçu dans les milieux académiques lui semble être les suivantes : les chercheurs scientifiques ne sont pas, sauf exception, particulièrement intéressés par les faits de langue. Les termes métaphoriques sont donc pour eux de simples outils, au même titre que les instruments de laboratoire ou les équations. Les critiques littéraires, quant à eux, s’intéressent surtout aux métaphores vives, et les termes métaphoriques, parce qu’ils sont lexicalisés, ne sont pour eux que des vestiges archéologiques, de la « poésie fossile », en quelque sorte. Ensuite, les termes métaphoriques se situent le long d’un continuum qui va de la simple catachrèse à l’intégration conceptuelle complète, en passant par les métaphores constitutives des théories. Les termes métaphoriques éclairent les mécanismes de création de termes par catachrèse, c’est-à-dire par une extension du sens d’un mot à un nouveau domaine (par exemple computer mouse). Lorsque les catachrèses ne se fondent pas sur de simples similitudes, mais sur une analogie, c’est-à-dire sur une projection de la structure d’un domaine donné sur un autre domaine, elles permettent de comprendre un nouveau champ du savoir (par exemple l’ADN) à partir d’un domaine mieux connu (le code linguistique ou informatique, dans le cas de la métaphore L’ADN EST UN CODE, par exemple). Des catachrèses telles que codon ou DNA transcription deviennent alors l’expression linguistique d’une métaphore constitutive des théories scientifiques. Si les interactions entre les deux domaines de la métaphore deviennent suffisamment fortes et fréquentes, il peut y avoir création d’un espace nouveau, à l’interface entre le domaine source et le domaine cible, dans lequel se développent de nouveaux concepts. Des termes métaphoriques tels que DNA computers ou BioBricks sont alors l’expression linguistique d’une intégration conceptuelle. Enfin, les intégrations conceptuelles ont un grand intérêt sur le plan de la culture des domaines spécialisés, parce qu’elles permettent de mieux comprendre les évolutions des paradigmes scientifiques au fil du temps. La découverte de la structure de l’ADN par Watson et Crick, par exemple, a inauguré un nouveau paradigme en sciences de la vie, dont la métaphore de l’ADN comme code linguistique ou informatique est constitutive. Les évolutions de paradigmes conduisent le plus souvent à la création de nouveaux domaines. La découverte de la double hélice, par exemple, a conduit au développement de la biologie moléculaire comme champ du savoir autonome, puis à celui des biotechnologies, de la biologie synthétique, etc. Ces nouveaux domaines font apparaître dans leur nom-même des intégrations conceptuelles : moléculaire et synthétique se rapportent à la chimie et technologies aux sciences de l’ingénieur. Les termes métaphoriques sont donc des indicateurs utiles des évolutions dans la carte des savoirs spécialisés. Marie-Hélène Fries a conclu son propos liminaire en évoquant des perspectives de développement de sa recherche en anglais scientifique, en anglais de spécialité et au sein des études anglaises. En anglais scientifique, elle aimerait étendre son propos à une perspective diachronique et à des études de corpus plus développés. En anglais de spécialité, elle envisage d’étudier les métaphores dans des thématiques transversales telles que l’environnement, qui intéresse aussi les spécialistes d’anglais de l’économie, du droit ou de la médecine. Au sein des études anglaises, l’analyse des métaphores peut permettre de créer des ponts entre l’anglais de spécialité et la littérature, tout d’abord, avec l’étude de la fiction à substrat professionnel et de la science-fiction. L’étude des liens entre les milieux spécialisés et les pays anglophones dans lesquels ils se développent, ensuite, utilise souvent les mêmes méthodes que les recherches civilisationnelles. Les analyses de corpus et les théories des métaphores, enfin, font intégralement partie de la linguistique.
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Marie-Hélène Fries. Les métaphores comme voie d’accès à l’anglais scientifique et technique.. Linguistique. Université Paris IV - Paris Sorbonne, 2016. ⟨tel-02017782⟩
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