Ce texte envisage les liens unissant texte et textile, tissu et papier dans le champ de l’art contemporain, en regard du support de l’oeuvre, papier ou tissu, papier et tissu : à partir du vingtième siècle, ils participent de manière concomitante aux collages, accumulations, tableaux-pièges, installations. Il s’agit plus particulièrement de considérer le caractère textile du support et l’usage qu’en fait l’artiste, lorsqu’il rend à la toile, en la libérant du châssis, l’une des qualités fondamentales du tissu, sa souplesse : n’est plus alors envisagé, ou plus seulement, le jeu des matériaux dans leur juxtaposition ou leur complémentarité, mais dans leur rapport dialectique, en ce qu’il fonde un langage plastique original. Dans cet ordre d’idées, la démarche du mouvement Supports/Surfaces attire particulièrement l’attention. Né dans le bouillonnement contestataire de la fin des années soixante, il affirme son refus d’une « pratique artistique » conventionnelle à travers un travail de déconstruction de l’œuvre d’art qui produit quelques gestes radicaux, parmi lesquels figure au premier chef la séparation de la toile et du châssis. Séparer la toile du châssis, c’est-à-dire renoncer à cette fenêtre ouverte dans le mur qui, depuis la Renaissance italienne, constituait l'image de la peinture. C’est corrolairement décoller la toile libre de la cimaise, la suspendre, comme le fait Noël Dolla dont l’œuvre est spécifiquement interrogée, sur un étendoir ou dans l’espace, inventer de nouvelles règles pour l’exposition et modifier son fonctionnement. Refuser le tableau de chevalet, c’est aussi refuser le « beau métier », réduire le geste plastique au minimum, utiliser des couleurs primaires. Et réintroduire la peinture et la couleur dans le champ de l'art au moment où celui-ci se cantonnait à l'analyse de l'image par l'hyperréalisme ou à celle de l'artefact avec l'art conceptuel.